les photographies

En septembre 1917, Oskar Serti, alors rédacteur en chef de La Revue Cubiste des Deux Mondes, décida de partir à la recherche de son collaborateur, le photographe Henri Colombier, mystérieusement disparu depuis plus de cinq mois au cours d’un reportage au Congo. Serti parvint à suivre la trace de son passage jusqu’à Timsi, un petit village katangais nouvellement décoré d’une multitude de fines sculptures plates totalement inconnues de lui. Par gestes et petits dessins, il réussit à communiquer avec les habitants et crut comprendre le sort réservé à son ami.
Lorsque, trois mois auparavant, Colombier débarqua à Timsi, abattu par de violentes crises de paludisme, il sentit la fin si proche qu’il voulut, avant de mourir, achever ce qui serait son dernier reportage. Il parvint, grâce au matériel sophistiqué qu’il avait emmené, à développer lui-même les photographies prises lors de son périple ; mais malheureusement, la chimie de ses produits avait tellement souffert de la chaleur ambiante que ses photos se couvrirent d’un sépia opaque quelques secondes après leur impression.
Les quelques villageois qui avaient assisté médusés à cette séance, interprétèrent les fièvres qui emportèrent peu après Colombier comme la conséquence logique d’une magie inconsidérée. Tous gardèrent cependant en mémoire la fragile beauté de ces images qui ne leur apparurent qu’un instant et, pour multiplier l’espoir de les revoir à nouveau, réalisèrent de nombreuses reproductions artisanales en cuivre d’après les véritables papiers photographiques qui, malgré leur absence d’image, étaient religieusement conservés dans la hutte où Colombier les avait abandonnées.
Les générations suivantes de Timsi adoptèrent cette coutume et fabriquèrent à leur tour des copies en tenant compte du gondolage des papiers photographiques originaux qu’ils ne cessèrent jamais d’honorer.



