Les images flottantes

La suspension consentie de l’incrédulité

16 juillet 2016

Sylvia Botella

Autour du geste de l’artiste plasticien Patrick Corillon et toujours la complicité de Dominique Roodhooft, la beauté est un archipel harmononieusement agencé d’images, de mots et d’affects.
À Avignon, Patrick Corillon, sous le titre “Les vies en soi”, regroupe quatre voyages extraordinaires dans le monde des objets: “Les images flottantes”, “La rivière bien nommée”, “Le Benshi d’Angers” et “L’appartement à trous”. Soit respectivement 4 x “60 minutes pour rentrer dans le cadre”, “être de son temps, “être avec des poussières” et “ne rien dire”. Soit 4×60 minutes pour résister à l’enfermement esthétique, disciplinaire et politique dans un atelier d’artiste intimiste.

Par quel mystère les objets échappent-ils à l’illustration? Nous avons vu “Les images flottantes”. Le récit-performance aspire le regard comme la lettre “O” à l’envers de l’alphabet magnétique, transformée en bouche, celle du père qui raconte à son fils son histoire préférée. Chez l’artiste plasticien, auteur et conteur, le détail du souvenir est dans l’objet. Que ce soit les cartons de couleur, l’alphabet magnétique, la boite de cubes noirs ou les gommettes, l’objet est comme une fenêtre sur le monde et non comme un écran à la réalité du monde. La partie vaut pour le tout et fonctionne comme matrice de tous les gestes.

Notre regard est comme requis, happé par tout ce qui se passe. La beauté de l’objet “animé” (à qui on prête vie) est souveraine, triomphante, elle relaie les mots, elle ravit. La voix de Patrick Carillon résonne depuis l’intime – sa part d’enfance ressentie-, sa grâce nous désarme, avec des souvenirs, des traces d’une impression ou d’un sentiment comme autant de ponctuations rêveuses au coeur de chaque séquence. L’ensemble est mû par une force génératrice qui se souvient et notre sensation de la perte d’une beauté évanouie.

Dans “Les images flottantes”, quelque chose est vu, regardé et entendu, le geste par lequel l’artiste fait preuve de son imagination, de sa sensibilité, jamais rivée dans un naïf étonnement. Ce qui émeut le plus, c’est la potentialité de la démultiplication de la figure enfantine et la capacité de faire de toutes les séquences, un paradis. Ceci n’est pas une oeuvre. Ceci est un chef-d’oeuvre.

“Les vies en soi” de Patrick Carillon/Le Corridor, en alternance jusqu’au 23 juillet 2016 au Théâtre des Doms à Avignon.

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